Une enquête auprès des hommes de demain
Pensé comme un film d’éducation à l’égalité et contre le sexisme, Les Petits Mâles cherche à produire chez les jeunes une prise de conscience des mécanismes qui reproduisent les stéréotypes de genre et nourrissent les violences. Le film se présente comme un outil de pédagogie féministe et de discussion transgénérationnelle.
Qui sont ces garçons que vous avez interrogés ?
Nous sommes allés à la rencontre d’une trentaine de garçons âgés de 7 à 18 ans, issus de toutes les régions et de tous les milieux de la société française, dans une volonté de représentativité sociologique.
Camille a réalisé un guide d’entretien qui explore les thèmes aujourd’hui au cœur des combats féministes : apparence physique et injonctions esthétiques, amours et amitiés, sexisme et violences sexuelles, fluidité des genres et droits des personnes LGBTQI. Sur la base du volontariat, Laurent a mené de longs entretiens avec ces garçons, les questions s’adaptant bien sûr aux tranches d’âge.
Pourquoi avoir ponctué votre film de témoignages de femmes âgées ?
En résonance avec les propos des garçons, des femmes qui ont l’âge d’être leurs grand-mères déroulent le fil de leur vie, évoquant les « hommes d’hier » (leurs pères, maris, fils...). Le contraste saisissant avec les hommes de demain révèle l’ampleur des mutations en cours.
Grâce à leurs témoignages forts et émouvants, ces femmes nous font prendre conscience des avancées permises par les combats féministes, mais aussi de tout ce qu’il reste à faire. Cherchant à faire réfléchir plus qu’à accuser ou à cliver, Les Petits Mâles se veut une invitation à la discussion entre les générations.
Camille, comment s'inscrit le film dans votre approche féministe ?
Je suis convaincue que nous sommes arrivés à un moment de l’histoire du féminisme où les hommes peuvent et doivent prendre leur place dans nos combats. La « bataille de l’intime », qui s’est enclenchée depuis le début des années 2010, porte sur les thèmes corporels et, notamment, sur la question des violences sexistes et sexuelles. Celle-ci implique les hommes au premier chef qui sont appelés à réfléchir à leurs responsabilités et à la façon dont ils pourraient contribuer à lutter contre elles. Les mâles du siècle et Les petits mâles sont des outils précieux pour les sensibiliser et les accompagner dans leur réflexion.
Vous souhaitez rencontrer l'équipe ?
Le réalisateur et la conseillère scientifique peuvent participer à des séances-débats avec des associations, des collèges ou lycées, des universités, etc.
Si vous êtes exploitant·e, et voulez prendre contact avec notre programmateur, rendez-vous dans la rubrique dédiée, ci-dessous.
Quels étaient vos objectifs ?
Nous voulions mettre en évidence la tension invisible qui traverse aujourd’hui la jeunesse, écartelée entre avancées féministes et résistances patriarcales. Il s’agissait de montrer la permanence des discriminations et des violences.
En tendant un miroir aux garçons, qui peuvent se reconnaître et se comparer, nous avons voulu les sensibiliser à la lutte pour l’égalité et contre le sexisme. Ce n'est pas tant la représentativité ou l'exactitude des propos qui nous intéressent, que la possibilité donnée de faire entendre des positions vis-à-vis desquelles chacun·e peut se situer.
Par ailleurs, le film ne s’adresse pas uniquement au 10-20 ans, mais aussi à leurs parents et enseignant·es qui pourront prendre la mesure de l’évolution des mentalités et du chemin qu’eux-mêmes n’ont peut-être pas encore parcouru.
Laurent, pourquoi peut-on voir dans le film vos archives
familiales ?
J’ai retrouvé ces images super 8 où l’on me voit à 3-4 ans, en famille, dans les années 1970. Ces saynètes oubliées, a priori banales, montrent aussi comment le patriarcat imprégnait alors les familles. Elles ont été tournées par mon grand-père, avec toute la bienveillance du monde, mais se révèlent aujourd’hui souvent malaisantes.
On y voit aussi mon oncle Jean-Pierre à qui je dédie ce film. Il s’est donné la mort lorsque j’avais quinze ans, choisissant de quitter un monde qui ne supportait pas son homosexualité. Je pense que cette histoire familiale a déterminé tout mon travail et nourrit mon engagement.
Camille, quelle est votre contribution comme conseillère scientifique ?
J’ai d’abord construit une grille d’enquête pour recenser les profils de garçons que nous souhaitions inclure dans le film. Il s’agissait de respecter une certaine représentativité sociologique en termes d’origine démographique et de milieu social. J’ai ensuite élaboré le guide d’entretien qui a servi de support au réalisateur lorsqu’il est allé interviewer les garçons. Il reprenait la structure générale du guide déjà conçu pour Les mâles du siècle en termes de thématiques féministes, en y ajoutant des questions spécifiques aux tranches d’âge rencontrées.
J’ai enfin contribué au montage avec le souci de repérer les principaux enseignements de cette enquête.
Avant Les Petits Mâles, il y a eu
Les Mâles du Siècle
Ensemble, Laurent et Camille ont conçu et réalisé le documentaire Les Mâles du Siècle (2021) dont l’objectif était de montrer comment les conquêtes féministes transformaient les hommes, ou pas. Lors des entretiens menés avec une trentaine de personnes âgées de 17 à 96 ans, ils ont tiré le constat d’un sexisme encore très prégnant chez eux, à l’exception des plus jeunes. Ils se sont alors demandés si une nouvelle génération d’hommes féministes n’était pas en train de naître. C'est ainsi que le projet des Petits Mâles est né.